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L'illustration textile

Nous évoquons souvent le dessin, les peintures et papiers collés dans les livres et films. Nous parlons rarement de la technique textile dans l’illustration. Qu’apporte l’illustration textile ? Pour quelles interactions texte / image ? Tissons une réflexion…

Tête de femme brodée sur tissus blanc

 

…par ce plongeon dans le textile.

 

Voici donc une immersion dans l’image grâce aux superbes reproductions de textiles du musée londonien Victoria & Albert. La sélection de tissus du XVe siècle au XXI siècle y est présentée de façon chronologique. Il suffit d’observer, d’admirer, de laisser la parole se libérer autour des motifs variés : Couleurs et motifs dans l'art textile.

Cette présentation ne concerne pas les livres en tissu, mais l’illustration dont le textile est la technique utilisée. 

Découvrons quelques artistes qui agencent, à leurs manières, les textiles dans l’image.

François David et Olivier Thiebaut dans Un rêve sans faim alertent sur la faim dans le monde. Les tissus usés, rapiécés, reprisés sont bouts de vie et servent comme fond pour les textes. Là, les textiles sont choisis pour leurs fonctions et représentations. Les images renforcent la puissance du texte.

Louise-Marie Cumont dans Au lit ! utilise la technique textile pour expliciter le sens. L’album n’a pas de texte. C’est un texte textile (d’ailleurs leur étymologie est commune « texere » qui signifie tisser, composer un ouvrage). Ce livre n’est pas tactile. L’auteure tient à rester dans le visuel.

Philippe Debongnie et Cindya Izzarelli, dans L'incroyable bibliothèque Almayer nous plongent dans une bibliothèque à entretenir. Oui ! Une bibliothèque particulière, sans livres. Juste avec des pensionnaires qui sont là un moment, avec leurs fardeaux, leurs histoires de vie à partager. Que de richesses ! Chaque personnage est représenté par une photographie en sépia ou noir et blanc et d’un collage de textiles à l’image du bagage de chacun. 

 

Un peu de broderie…

 

Thisou Dartois revisite l’histoire du petit poucet en broderie, dans Le Petit Poucet. L’image donne à voir sur le recto des pages une version « classique » du conte. Mais au verso, c’est l’envers du décor. Les fils racontent autre chose. Des images douces interrogent d’autres, plus inquiétantes.

Iwona Chmielewska, auteure polonaise, dans Où se cache ma fille ? adopte le même principe, d’une lecture à l’endroit, une sur l’envers, pour permettre de comprendre la complexité et les ambivalences de l’enfant.

Sandra Dufour, diplômée des Arts décoratifs de Strasbourg, brode le mythe d’Ulysse et Pénélope. Fond et forme de l’histoire ont le tissu comme sujet commun. Format, sérigraphie et broderie se complètent avec finesse pour découvrir le mythe, la patience et la nostalgie des personnages. 

Quoi de plus poétique que de finir en broderie avec Shangoul et Mangoul, un court métrage d’animation issu des Contes de la mère poule, des réalisateurs Iraniens Morteza Ahadi et Farkondeh Torabi ? Cette version du loup et des sept chevraux pour tout-petits (et grands !) attire par ses décors rassurants et ses personnages en tissus brodés. D’ailleurs entrez dans l’histoire par le tapis persan…

Ces quelques exemples montrent la richesse et la variété des possibilités de jeux textiles : pour apporter de l’esthétisme axé sur le graphisme, valoriser les textes, être texte, favoriser une mise en abyme, crédibiliser un sens, faire appel aux sens et à la mémoire, jongler entre l’objet et l’image du tissu.

De nombreux illustrateurs font le choix de représenter picturalement l’objet ou non-objet textile. Issa Watanabe, illustratrice espagnole, met en scène la mort dans Migrants (Prix sorcières – Carrément sorcières fiction – 2021). Elle est emmitouflée dans un châle fleuri peint et surveille le cortège des personnes qui marchent, avancent. Quand il n’y a plus rien, que reste-t-il hormis le vêtement, peau entre soi et le monde ? Là, si le textile s’efface au profit de la peinture, c’est parce que l’espoir de vie s’amenuise. Même le tissu n’est plus.

Enfin, des ouvrages textiles, ce sont aussi de véritables mémoires sociologiques. Qui file, coud ? La femme. Travailler dans le linge reflète quel statut social ? Je porte six robes, je vaux combien ? Pour le savoir, plongez-vous dans le conte rwandais issu de Secrets d'étoffes, un recueil de 24 contes du monde qui ouvre à une vraie réflexion sociétale.

Tant de découvertes se prêtent aisément à quelques pistes de valorisation possibles autour des textiles : 

  • Fil / laine pour entrer, jouer et sortir de l’histoire.
  • Jeu : repérer les techniques d’illustration dans un corpus de documents (papiers collés, illustrations textiles, peinture…)
  • Tout type d’atelier qui met en pratique les tissus : couture, tricot, broderie.
  • À la manière… exemple en ligne inspiré de Petite graine de Véronique Vernette.
  • Aplats à base de tissus, sculptures recyclées et tissus pour un public familial. Proposer en amont/aval la projection d’un court métrage. 
  • Constitution collective d’un livre à base de tissus.
  • Tissus / émotions : Je me sens…
  • Tout type d’illustration avec une fonction narrative.
  • Un conte / un court métrage (textile comme fil conducteur).
  • Un conte / un atelier plastique (textile comme fil conducteur).
  • Location de l’exposition des originaux Ulysse et Pénélope de Sandra Dufour.
  • Ateliers d’images et broderies (fresque collective, tambours…)
  • Après une mise en avant de livres textiles, en proposer sous emballage en tissus et offrir de « l’anonymat guidé »

Télécharger la bibliographie présentée lors des Kiosques ! 2021

Audrey

Illustration de Sandra Dufour, avec son aimable autorisation.

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